Historique
Dans les années 50, BARON montre que de légères modifications proprioceptives entraînent des adaptations posturales et locomotrices majeures ; ces dernières générant un cortège de pathologies sont traitées par des stimulations posturales au niveau des organes sensoriels.
Suite aux travaux sur les réactions d’équilibration, GAGEY développe la notion de Système Postural Fin (SPF), organise l’examen clinique postural et crée la Posturologie .
DA CUNHA décrit en 1979, le syndrome de déficience postural qui élargit le syndrome post-commotionnel en y incluant les troubles de l’axe corporel.
En 1985, VILLENEUVE et collaborateurs apportent les connaissances podologiques orientées vers la posture et enrichissent les perspectives cliniques (posturo-dynamique, épine irritative d’appui plantaire, chaînes neuromusculaires, etc…) et thérapeutiques (semelles de posture) en développant la Posturopodie.
En 1994, MARINO et VILLENEUVE suite à des recherches cliniques créent la Posturodontie. Cette thérapeutique posturale utilise des réactions d’orientation, à point de départ stomatognatique notamment labial et lingual par l’intermédiaire de gouttières ou de subtils collages (alph) sur les faces vestibulaires ou linguales des dents.
En 1996, LEMAIRE et VILLENEUVE développent une véritable Thérapie Manuelle Informationnelle au service de l’homme debout : la Posturothérapie, à partir d’une synthèse entre les recherches fondamentales en neurosciences et les découvertes cliniques.
Définitions
Pierre Marie Gagey & Bernard Weber
Posturologie 2ème édition – éd.Masson Paris
La posturologie est née d’abord du souci de soulager un sujet souffrant.
Avant propos :
* L’homme adulte, de tous les animaux, mammifères compris, est le seul intégralement bipède.
* Ce caractère, que certains considèrent comme un privilège, entraîne un certain nombre de particularités.
* Le centre de gravité se situe haut dans ce corps redressé, quelque part en avant de la troisième vertèbre lombaire, et la plante des pieds est seule à supporter la totalité du poids sur sa surface étroite.
* Ces deux caractères font que la projection au sol du centre de gravité tombe bien, lorsque le sujet est vertical, dans le polygone de sustentation que représente les semelles plantaires et la zone qui les sépare; il faut peu de chose pour qu’il en sorte: écarter les pieds assure une meilleure stabilité, tout le monde le sait; le bébé en fait l’expérience dès ses premières tentatives de redressement.
* Lorsque, malgré tout, le déséquilibre apparaît (la projection… est sortie dudit…) une série de mécanismes réflexes permet de rétablir l’équilibre: otologistes et neurologues s’occupent depuis longtemps de ces difficultés (vertiges, instabilités).
* Mais la situation normale dans laquelle le sujet tient debout immobile n’a jusqu’alors intéressé que peu de monde.
* Il est pourtant facile de l’observer en regardant une sentinelle au garde-à-vous; pour peu qu’elle porte un bonnet à aigrette son immobilité est repérable comme une grossière apparence: le haut de la tête décrit une série de déplacements peu rapides, en tous sens.
* Dès 1864, Vierordt, à Berlin, avait astucieusement enregistré ces mouvements en fixant à la pointe du casque de ses soldats une plume qui, grattait sur une feuille enduite de noir de fumée.
* De nombreux protocoles physiologiques accumulés depuis trente ans montrent que cette quasi immobilité nécessite le traitement en temps réel et l’intégration d’innombrables informations.
* Ainsi, la gestion de ces déplacements minimes de la masse corporelle contrôle les oscillations posturales de sorte que la projection du centre de gravité reste inscrite en d’étroites limites parfaitement déterminées et mesurables, bien plus étroites que celles du polygone de sustentation; elles correspondent biomécaniquement aux oscillations minimes, inférieure à 2° d’arc, d’un pendule inversé dont le point fixe serait à la cheville.
* Or, dans ces même trente ans, les plaintes persistantes de malades, centrées sur leur station debout et sans relation avec une lésion définie un diagnostic ou un traitement, ont conduit les cliniciens à décrire le syndrome de déficience posturale -centré sur des asymétrie toniques de l’axe corporel- puis à postuler un sous-ensemble du système de l’équilibre, régulant la station debout, le système postural fin.
* Cette hypothèse se trouve étayée par les dits acquis physiologiques qui permettent de définir un champ clinique pluridisciplinaire, la posturologie.
* Dans la ligne d’André Thomas qui distinguait déjà équilibre et équilibration, le domaine de la posturologie ne concerne donc que les dérèglements du système postural fin, rarement décrit et pourtant véritable sous ensemble caractérisé et isolable du système d’équilibre dont il représente l’armature minimale.
Les techniques d’aujourd’hui, grâce à une plate-forme informatisée qui permet de faire plus précis, plus rapide, plus détaillé et exploitable en données géométriques, algébriques et statistiques ont permis de préciser ces notions jusqu’à définir, par tranches d’âge et pour les deux sexes, les valeurs normales des composants (amplitude, fréquence, surface, longueur du déplacement…) de ces oscillations et leurs marges de variation, leurs intervalles de confiance.
* Si les conditions d’enregistrement sont strictement respectées ces mesures sont reproductibles, même à de longs intervalles, pour un individu donné et pour un type de plate-forme donné; elles permettent d’affirmer que le sujet se situe ou non dans la population normale.
* Elles sont suffisamment précises et connues pour qu’il soit possible, avec quelques précautions, de débusquer par exemple un simulateur à la recherche de dédommagements après accident.
* Mais il existe plusieurs types de plate-forme dont l’objet, la construction et le genre d’enregistrement diffèrent.
* Les résultats présentés ici concernent les valeurs obtenues à partir de la plate-forme normalisée, définie par l’Association française de posturologie , recommandée pour les travaux cliniques.
* C’est qu’en effet, lorsqu’il ne se situe pas dans la population normale, un sujet se plaint en général de “quelque chose”; il a du mal à dire quoi; il a souvent raconté son histoire et presque toujours en vain; les spécialistes de toutes disciplines ne mettent en évidence aucune lésion caractérisée; les généralistes le classent sous l’étiquette de “fonctionnel”, ce qui ne change rien à son mal-vivre.
* Il fait partie de la troupe “des boiteux, des bancals et des bigleux”… trois mots pitoyables qui caricaturent le SDP, le syndrome de déficience posturale que Da Cunha a décrit depuis des années au Portugal.
* Syndrome parce qu’il ne s’agit effectivement pas – pas encore? – de maladie.
* Inutile de chercher une atteinte connue de voies ou de centres nerveux; inutile de faire un diagnostic au sens étiologique du terme; mais indispensable de pratiquer un examen clinique rigoureux, standardisé, répétitif; l’enregistrement sur plate-forme en représente l’élément le plus objectif mais pas toujours le plus explicite.
* Diagnostic, symptôme, régulation. L’introduction dans les modes de compréhension de la seconde moitié de ce siècle de visions synthétiques et fonctionnalistes (cybernétique, théorie des systèmes, théories des catastrophes puis du chaos, par exemple) peut faire accepter qu’il existe, en médecine comme ailleurs, des dysrégulations dont l’origine ne correspond pas aux classifications analytiques (étiologiques) traditionnelles et dont l’émergence est plurifactorielle.
* Reconnaître un syndrome de déficit postural postule qu’une perturbation de régulations, inconscientes en situation physiologique, se manifeste par une symptomatologie objective, connue mais non reconnue, qui n’aurait pas encore obtenu le vocabulaire et le statut nécessaires à son classement dans un chapitre de la pathologie.
* Reprenons… La régulation posturale comme système.
* S’il est nécessaire que la projection du centre de gravité se situe dans le polygone de sustentation c’est que la gravité règne à la surface de la terre; il n’y a pas longtemps que les physiologistes peuvent manipuler ce facteur contraignant, directement en apesanteur ou par des artifices.
* A terre, la première source d’information sur notre plancher gravitationnel provient de la plante des pieds, riche en capteurs de pression: sans cette carte, pas de possibilité de repérer la répartition des appuis;
* Les podologues insistent depuis longtemps sur l’importance de ces informations sans avoir toujours été bien crédibles, mais ces recherches leur fournissent d’excellents arguments. Par exemple, les enregistrements sur plate-forme réalisés en interposant un fin tapis mousse entre plante des pieds et plate-forme explicitent bien cet apport essentiel.
* L’endolymphe, les statoconies (otolithes) de l’oreille interne et le système de régulation vestibulaire qui leur est associé définissent, dans les coordonnées spatiales en trois plans, les compléments indispensables à l’interprétation de ces données de base.
* Les otologistes et les neurologues connaissent bien et depuis longtemps les centres et les circuits impliqués, mais leur domaine d’étude traditionnel couvre les déséquilibres – au delà de 2° – plutôt que la régulation fine à laquelle se consacre la posturologie.
* L’homme redressé porte son regard plus loin que n’importe quel quadrupède et cette particularité pourrait, hypothèse controversée, avoir déterminé la préférence qu’il accorde au système visuel dans l’acquisition et le traitement de l’information.
* En tous cas, le glissement de l’image sur la rétine fournit à l’individu des informations relatives à ses mouvements dans l’espace et lui permet de les comparer aux informations venues du labyrinthe.
* Le système visuel bénéficie d’une autre source d’informations qui complètent ces données absolues: la position de l’œil dans l’orbite, donnée relative, est très précisément repérée à partir des capteurs proprioceptifs des muscles extra-oculaires mais aussi des circuits complexes qui règlent saccades et poursuite oculaire.
* Le système visuel comme un tout, comporte donc, en fait, deux sources complémentaires d’information: la vision qui situe l’individu dans son environnement en coordonnées rétiniennes et la motricité oculaire qui situe l’oeil dans l’orbite en coordonnées céphaliques.
* Cette dualité d’information peut être étendue à l’ensemble du système postural fin.
* A partir des exocapteurs – semelle plantaire, oreille interne, vision – l’individu se situe par rapport au monde (l’incohérence de ces informations est, sauf apprentissage, très perturbante comme le savent toutes les victimes du mal de mer).
* A partir des endocapteurs – fuseaux neuro-musculaires, récepteurs tendineux, articulaires – le système de régulation est enrichi d’informations sur les positions relatives des différents segments corporels les uns par rapport aux autres.
* Peut donc être considérée comme endocapteur toute structure donneuse d’information sur cette position relative d’un segment corporel (jambe par rapport au tronc, vertèbre par rapport à sa voisine, crâne par rapport au bassin).
* Mais l’expérience clinique, comme les données de recherches physiologiques, permettent de penser que le poids relatif des différents segments corporels n’est pas équivalent.
* En posturologie, les muscles paravertébraux (et peut être les ligaments) y tiennent une place prépondérante.
* Ces informations convergent toutes, in fine, sur le même ensemble fonctionnel; lorsque je regarde un objet qui se déplace d’un bord à l’autre de mon champ visuel, je peux le suivre des yeux sans tourner la tête, tourner la tête sans bouger les yeux, tourner le tronc sans tourner la tête ni les yeux, tourner l’ensemble du corps sans bouger les pieds… et combiner ces mouvements. Le nombre des possibilités est presque infini.
* Le traitement d’une telle masse d’informations, en temps réel, aboutit à un nombre considérable de stratégies; parfaitement inconscientes, mises en jeu par chaque mouvement, même minime, volontaire ou non – et donc en interaction avec le système pyramidal – elles sont impliquées dans le réajustement, ou pour le moins le contrôle, de l’ensemble de la position corporelle.
* Cette complexité permet une plasticité remarquable, immédiate à la moindre variation de l’environnement, mais aussi à terme; des perturbations même profondes d’éléments essentiels du système évoluent, après réapprentissage, vers des récupérations étonnantes.
* Le traitement postural vise à permettre une telle récupération en jouant sur des informations parasites.
* De la physiologie au trouble fonctionnel Cette construction physiologique, pour séduisante qu’elle apparaisse, pourrait n’être que théorique; il n’en est rien comme le montrent des travaux cliniques de plus en plus nombreux.
* Dans les années soixante dix, Baron, initiateur des enregistrements stabilométriques en France s’est attaché avec ses collaborateurs à dépister la part de dysrégulation posturale dans le syndrome dit subjectif des traumatisés du crâne souvent taxé à l’époque de “sinistrose”, puis dans le syndrome secondaire au “coup du lapin” (Whiplash injury)
* Les travaux cliniques publiés depuis dessinent le cadre actuel du SDP et débouchent sur des propositions de traitement: prisme postural, travail sur plate-forme de rééducation, stimulation optocinétique, stimulation plantaire, ajustements vertébraux, rétrocontrôle actif de la posture.
* Comme le souligne son initiateur, F Borgel, cette rééducation instrumentalisée (biofeedback), solution apparemment technique, confirme la spécificité du système postural fin: avant de faire travailler le mouvement, il apparait profitable de s’assurer de la qualité du contrôle de la posture orthostatique.
* L’efficacité de l’ensemble de ces traitements non seulement n’est pas contestée mais conduit à des appels à la prudence: le port d’un prisme postural inadapté peut déclencher, même chez un individu à régulation posturale normale, des perturbations importantes, comme le mauvais centrage des verres correcteurs semble le provoquer souvent.
* Certaines conséquences de ces traitements apparaissent parfois comme paradoxales: il est connu, et la stabilométrie le confirme, que l’obscurité augmente normalement l’amplitude des oscillations posturales:
* L’enregistrement comporte donc systématiquement deux séquences, l’une yeux ouverts, l’autre yeux fermés; le rapport des surfaces enregistrées dans ces deux conditions, “Quotient du Romberg”, constitue un indice global précieux du comportement postural.
* Or, pour certains sujets, le prisme postural ne modifie pas la séquence yeux ouverts mais modifie la séquence yeux fermés!… Ce qui peut être interprété comme une modification de tactique posturale induite par le prisme, contrôlée par les afférences visuelles et démasquée en leur absence (le sujet s’accroche au paysage avec les yeux) .
* Sans multiplier les exemples, et pour résumer, le traitement apparaît comme la manipulation d’une information significative qui permet une reprogrammation, immédiate et/ou à long terme, de la tactique posturale personnelle du sujet.
* En ce sens, il n’existe pas de différence de nature entre l’analyse de la situation posturale du patient et son traitement: devant un ensemble complexe de régulations interagissantes, l’attitude pratique du thérapeute consiste à faire varier un facteur dont les modes d’action sont contrôlables et d’en apprécier les effets prévisibles sur certains de ses effecteurs.
* Cette situation classique de “boite noire” est parfois encore difficile à faire admettre dans une médecine étiologique héritière de l’anatomopathologie.
* Un examen attentif et rigoureux, systématiquement conduit, permet de dépister des situations cliniques qu’une prescription simple, plus proche d’une rééducation que d’un traitement au sens classique du terme, permet, avec la participation active du sujet, de contrôler.